04/05/24
55 articles sont à votre disposition sur ce site
Bienfaits du CPE ? "Les effets, supposés et réels, de la flexibilité sur l'évolution de l'emploi global"Voici un article qui permet de mieux comprendre le contexte dans lequel s'inscrit le CPE... et de comprendre les limites et les risques de la flexibilité ! ________________________________________________________ Aujourd’hui, 87% du stock d’empois salariés en France correspond à un emploi stable type CDI. Contrairement à ce que l’on croit, ce pourcentage n’a pas beaucoup diminué (91% en 1975). Mais au niveau du recrutement, le CDD est devenu la norme, trois quarts des flux d’embauches se faisant sur contrats précaires. L’un des enjeux du débat autour du CPE est de savoir si dans quelques années, l’emploi stable sera encore la norme. Depuis 3 ans, différents rapports officiels préconisent une libéralisation du droit du licenciement et la création d’un contrat unique, à mi-chemin entre CDI et CDD, en terme de protection des droits du salarié. Le CPE constitue un premier pas vers ce contrat. Le débat actuel doit être replacé dans le contexte du chômage de masse qui prévaut en Europe depuis 25 ans, surtout dans les grands pays. L’OCDE, le club des pays riches, a été la première à développer méthodiquement le point de vue libéral selon lequel la rigidité du marché du travail (les règles qui encadrent le licenciement, le contrat de travail ou l’évolution salariale) constitue la cause essentielle du chômage. Elle ne cesse de recommander aux gouvernements européens de flexibiliser leur marché du travail s’ils veulent améliorer leur situation. Pour tenter de convaincre, l’OCDE cherche à mettre en évidence, pays par pays, un lien déterministe entre le degré de rigidité du marché du travail et l’évolution de l’emploi. Les USA constitueraient le modèle à imiter : l’évolution très dynamique de l’emploi qui y est enregistrée en permanence ne peut être que la conséquence de la souplesse du marché du travail ! Mais il se trouve que depuis la fin des années 1990, l’OCDE affiche des positions moins catégoriques quant à la corrélation vertueuse qui existerait entre flexibilité et emploi. Ainsi, dans ses « Perspectives de l’emploi » 2004, il est indiqué que la flexibilité peut seulement améliorer le taux d’emploi de certaines catégories de population. On reconnaît même des avantages à la réglementation protectrice de l’emploi - autrement dit à la rigidité - comme celui de favoriser des relations d’emploi durables, avec des répercutions favorables sur la productivité et la formation. Lorsque le gouvernement français propose aujourd’hui la flexibilisation du contrat de travail comme solution-miracle au chômage des jeunes, on a bien l’impression qu’il en est resté aux positions anciennes de l’OCDE. Prétendre que la flexibilité améliore en soi le niveau de l’emploi relève d’une véritable profession de foi, du type de celle qui voudrait, qu’en assouplissant les règles du divorce, il soit possible d’augmenter le nombre de couples mariés. Pourquoi prêter à la flexibilité des vertus qu’elle n’a pas ? Elle modifie assurément la dynamique du marché du travail, mais elle ne génère pas pour autant plus d’emplois. On peut retenir au moins deux effets de la flexibilité: • La flexibilité influe sur les délais de création d’emplois, mais pas sur l’évolution tendancielle du volume d’emploi global. • La flexibilité donne de la fluidité, du mouvement au marché du travail. G.TASSO (MCF d’économie à l’Université P7) mars 06 ________________________________________________________ 1) Le nombre de CNE qui sont signés au cours d’un semestre (300.000 annoncés par le premier ministre) ne constitue en rien un chiffre significatif pour apprécier le gain, en terme d’embauches, rapporté par ce nouveau type de contrat. Un grand nombre de ces embauches auraient probablement eu lieu de toute façon, avec ou sans CNE. Ce dernier s’est seulement substitué à d’autres types de contrat (CDI ou CDD). On parle alors d’un effet d’aubaine dont profitent les entreprises. Pour évaluer sérieusement l’impact du CNE, il faudrait pouvoir comparer la situation constatée avec le CNE et celle qu’on aurait eu sans (situation dite de référence que l’on peut simuler avec des modèles). 2) Il faut absolument distinguer embauches et créations nettes d’emploi. L’évolution du niveau de l’emploi dans un pays a bien peu à voir avec le chiffre des embauches. Actuellement, le niveau de l’emploi global en France stagne d’une année sur l’autre. Et cela malgré les 10.000 emplois créés chaque jour. Pourquoi ? Parce que chaque jour autant d’emplois sont supprimés. 3) Enfin, chercher dans l’évolution actuelle des chiffres du chômage matière à valider l’efficacité du CNE constitue une supercherie intellectuelle. Cela revient à mélanger les évolutions de l’emploi et du chômage ! Or, l’évolution du chômage se trouve à la croisée de deux types de statistiques bien distinctes, celle relative à l’évolution de la population active (dont les facteurs déterminants sont essentiellement d’ordre socio- démographique) et celle relative à l’évolution de l’emploi. Plusieurs exemples en Europe attestent qu’il n’est pas besoin d’avoir une évolution dynamique de l’emploi pour abaisser le chômage.
G. TASSO (MCF d’économie à l’Université P7) |
||
Les 5 dernières news |
A découvrir sur le site |
|